Françoise et Philippe (1)
Habitent : rue Isidore Girard
Arrivés : 1994
Occupation : à la retraite, nous avons basculé dans une vie d’une totale liberté et créativité
Signe particulier : nous facilitons l’implantation dans l’espace public des artistes du street art
Endroit préféré : la place le matin; grâce à la proximité de l’arbre à livres la conversation tourne sur autre chose que le café dans nos tasses
Mot qui décrit le quartier: singularité plurielle
Nous avons eu le coup de foudre pour cette maison mais nous avons vite compris en faisant les travaux pourquoi elle n’était pas chère: elle avait quelques défauts, surtout celui d’être dans un quartier invivable à l’époque. La place était un no man’s land où seuls des hommes pouvaient s’asseoir: c’était le royaume du deal, des drogues dures. Nous avons écrit des lettres aux autorités et nous sommes aperçu que d’autres habitants faisaient de même sans aucun résultat. Un conseiller municipal nous a dit de monter une association, le seul moyen de se faire entendre et d’avoir du poids. C’est ainsi qu’avec Jérémie nous avons créé Mare Nostrum.
Les premières années ont été affreuses: nous étions confrontés à un monde de violence et d’insultes dont nous n’avions pas l’habitude. C’était la loi de la rue et il fallait du courage au petit groupe de gens de tous horizons qui s’était formé pour garder le moral et ne pas lâcher. Il fallait aussi être imaginatif, inventer des événements qui occupent le lieux, permettent de regagner du terrain peu à peu et de former des projets. On ne parlait pas d’intelligence collective alors mais elle était en œuvre et ‘le quartier derrière la gare’ est devenu le ‘faubourg Méditerranée’ puis le ‘musée à ciel ouvert’.
Les artistes urbains en recherche de lieux où montrer leur travail ont trouvé ici un faubourg populaire sans site protégé qui a une énergie particulière et une touche de magie qui n’existe pas autre part. Les habitants ne sont pas des gens mais des identités. Je pense comme Bukowski que «Quand tout le monde est pareil, tout le monde n’est personne.» Ceux qui ont choisi de venir habiter ici en sont conscients et apportent leur petite étincelle.